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LAUSANNE À TRAVERS LES ÂGES

D’autre part, la concession d’une ligne de Lausanne à Saint-Maurice ayant été demandée au Grand Conseil vaudois, celui-ci l’accorda, le 10 juin 1853, à la compagnie de l’Ouest ; mais il y mit pour condition la création du chemin de fer de Jougne à Saint-Maurice par Lausanne, premier jalon de la ligne Paris-Vallorbe-Lausanne-Simplon-Milan.

Ce dernier point présente un intérêt particulier aujourd’hui : il montre que la nécessité de créer des relations directes entre Lausanne et Paris, entre Lausanne et Milan était déjà à l’ordre du jour il y a cinquante-deux ans. Tandis que les Genevois préconisaient une communication avec l’Italie par la vallée de l’Arve, comportant le percement du Mont-Blanc, et qu’ils se rattachaient plus tard, après beaucoup de tergiversations, au Simplon, dont leurs amis de Paris voudraient les détourner de nouveau, aujourd’hui, pour en revenir au percement du Mont-Blanc, les Vaudois sont toujours demeurés invariablement fidèles au programme adopté en principe, il y a cinquante-deux ans (en 1853).

Ce programme a reçu son exécution : 1o par la construction de la ligne de Jougne, pour laquelle les Vaudois ont fait d’importants sacrifices et qui a été ouverte à l’exploitation le 1er juillet 1870 jusqu’à Vallorbe, et en 1875 de Vallorbe à Pontarlier ; 2o par le percement du Simplon, pour lequel le canton de Vaud et la ville de Lausanne ont fait également d’importants sacrifices, et qui va s’ouvrir à l’exploitation.

Il ne reste plus maintenant, pour achever cette grande œuvre, qu’à améliorer la ligne de Jougne par le percement du Mont-d’Or.

Dans une brochure qu’il publiait en 1863, l’ingénieur W. Fraisse s’exprimait en ces termes[1] : « La ligne de Jougne à Saint-Maurice, déjà entrevue dans des rapports antérieurs[2], est d’une importance capitale pour le canton de Vaud. Si l’on jette les yeux sur la carte de l’Europe, on voit que la ligne droite qui conduit de Paris au Simplon et à Milan traverse le Jura près de Pontarlier et de Jougne et passe vers Lausanne. Il est donc certain que, dans ce cas, c’est cette ligne qui deviendra, à son tour, la grande artère qui alimentera la ligne du Simplon. »

Genève, qui venait de se relier à Paris par Ambérieu et Mâcon, aurait voulu, lisons-nous dans la brochure de W. Fraisse, ne voir aucune autre entrée s’ouvrir au commerce de la France avec la Suisse occidentale et pouvoir ainsi monopoliser, à son profit, le mouvement commercial. Au point de vue de l’entrée des marchandises, la ligne de Jougne était beaucoup plus à craindre encore pour Genève que celle des Verrières, car elle abrégeait bien davantage le trajet de la France sur tout le bassin du Léman.

La ligne de Jougne une fois construite, Genève ne serait plus l’entrepôt obligé du commerce entre la France et la Suisse française. Il n’en fallait pas davantage,

  1. Notice historique sur les chemins de fer dans le canton de Vaud, par W. Fraisse, ingénieur, administrateur de la compagnie de l’Ouest-suisse. Lausanne, Delafontaine & Rouge, 1863.
  2. Rapport de la commission du district d’Aigle du 26 mai 1853 sur un projet de chemin de fer de Villeneuve à Saint-Maurice. Lausanne, imprimerie Corbaz & Rouiller, 1853.