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LAUSANNE À TRAVERS LES ÂGES

renoncer à entraver le percement du Mont-d’Or. Dans sa déclaration du 25 novembre, il dit : « n’être jamais entré officiellement en rapport avec un gouvernement étranger en traitant directement de questions réservées au Conseil fédéral. » Ce mot « officiellement » est à lui seul tout un poème. En effet, trois ans auparavant le président du Conseil d’État de Genève, M. Didier, s’étant rendu à Paris, avait demandé audience à l’un des membres du Cabinet français pour l’entretenir de la question de la Faucille et l’informer que le gouvernement de Genève était disposé à accorder une subvention de vingt millions à la Compagnie de Paris-Lyon-Méditerranée pour le percement de la Faucille. Cette manière d’agir ayant été critiquée dans la presse, il fut répondu qu’il y avait en M. Didier deux hommes, d’une part le Conseiller d’État, qui était hors de cause en l’espèce, et, de l’autre, le délégué du comité de la Faucille, et que c’était ce dernier qui avait été à Paris solliciter audience. Cette distinction paraît bien subtile ; il est évident que c’est en raison du crédit que lui donnait sa position de président du Conseil d’État de la République de Genève que M. Didier avait été choisi pour cette mission, d’un caractère quasi diplomatique.

Le Conseil d’État de Genève ne désavoua, du reste, point les manœuvres du comité de la Faucille, tendant à substituer le percement de ce tunnel à celui du tunnel du Mont-d’Or et il est difficile de concilier l’attitude de ce comité avec les déclarations solennelles faites à Berne, le 8 décembre 1902, par MM. Henri Fazy et Gustave Ador.

Que penser des procédés de ces hommes d’affaires qui, utilisant le crédit que leur donne les mandats officiels dont ils ont été ou sont encore revêtus, vont jusqu’à contrecarrer les instructions positives données par le Conseil fédéral au ministre plénipotentiaire accrédité par la Confédération Suisse auprès du gouvernement de la République française ? Ils rappellent les temps néfastes de l’ancienne Suisse, où certains cantons s’appuyaient sur les puissances étrangères pour faire échec aux résolutions de la Diète[1]

  1. Où en arriverait-on si, à l’occasion du renouvellement des traités de commerce, s’inspirant de l’exemple que leur donne Genève, les autres cantons envoyaient des ambassadeurs officieux assiéger les ministères de Vienne et de Paris pour contrecarrer les missions fédérales et tenter de faire prévaloir leurs intérêts particuliers au détriment de l’intérêt général ou de celui de tel ou tel autre État confédéré ? C’est à Berne, et non à Paris, que doivent se trancher les différends qui peuvent s’élever entre les cantons suisses au sujet du développement de notre réseau de chemins de fer. On s’est fort indigné à Genève du discours, inconcevable assurément, prononcé à Genève même, le 3 décembre 1905, par M. David, député de la Haute-Savoie, dans lequel il a dit : « Genève comprendra de plus en plus que ses intérêts ne sont pas du côté de la Confédération, qu’ils sont de l’autre côté de la frontière, en France, » et où il a montré que « le percement de la Faucille était sans intérêt pour la France, si le trafic que doit amener cette nouvelle voie se faisait par la rive droite du lac. » Ce discours est la conséquence naturelle de la campagne faite en France par le comité genevois ; il fait toucher du doigt le danger qu’il y a à chercher un point d’appui à l’étranger.

    L’intervention de M. F. David aura eu pour effet de dissiper l’équivoque qui planait sur la question de la Faucille. En faisant connaître son projet, le comité genevois annonçait, comme une chose qui semblait devoir aller toute seule, que le trafic venant de France à destination du Simplon suivrait, à partir de Genève, la rive droite du lac ; mais jamais il n’a fourni la preuve que le P.-L.-M. et le gouvernement français seraient d’accord, et nous constatons maintenant l’opposition très compréhensible des Savoyards. La récente convention éventuelle, passée, dit-on, entre le ministère français des travaux publics et le P.-L.-M., — dont on fait grand état à Genève, mais qu’on ne publie pas,