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LAUSANNE À TRAVERS LES ÂGES

français vinrent dans le pays de Vaud ; 4500 environ s’y fixèrent, dont 1500 à Lausanne ; les autres se dirigèrent sur le Wurtemberg, le Palatinat, la Hesse, le Brandebourg, etc. Pour suffire aux besoins matériels de ces malheureux, on créa, à Lausanne, sous la présidence du pasteur Barbeyrac, une direction des pauvres français réfugiés, connue plus tard sous le nom de bourse française, et dont nous reparlerons plus loin. Cette institution fut confirmée par privilège de LL. EE. de Berne en date du 16 janvier 1688. Ses statuts, ses délibérations et ses registres sont encore aux archives communales.

Les écoles de théologie de Saumur, de Montauban, de Sedan, et Nîmes ayant été supprimées, Lausanne, en raison de son Académie, devint une des métropoles du protestantisme français. Au moyen de dons collectés en Angleterre et en Suisse, grâce à la généreuse initiative du primat d’Angleterre Wake, archevêque de Cantorbéry, et du professeur de théologie Alphonse Turrettini de Genève, on y créa un séminaire français, dont le prédicateur du Désert, Antoine Court, vint en 1729 prendre la direction. Cet établissement dépendait financièrement d’un comité genevois, tandis que la direction morale était confiée à un comité lausannois où nous voyons figurer le banneret Loys de Cheseaux, le major de Montrond, les professeurs G. de Polier, Leresche, de Bons, Durand, Levade, les pasteurs Polier de Bottens, Bugnion-de Saussure, E.-L. et César Chavannes, Samuel Secretan, Verrey, le boursier Seigneux, le banneret Seigneux de Correvon, Polier de Loys (plus tard préfet national), le baron de Montolieu, etc. Antoine Court et son comité exerçaient une sorte d’épiscopat sur les Églises de France ; ils entretenaient avec elles une correspondance suivie, apaisaient leurs différends, et, service inestimable en ces temps troublés, tenaient registre des baptêmes et des mariages célébrés au Désert.

Le nombre des élèves du séminaire varia de 12 à 30. L’enseignement qu’ils recevaient était distinct de celui de l’Académie ; il était plus élémentaire. Leurs études terminées, ces jeunes gens allaient ensuite exercer le ministère en France au péril de leur vie : le dernier des martyrs du Désert fut François Rochette, qui périt sur l’échafaud à Toulouse, en 1762, à l’âge de 26 ans, en même temps que les trois frères Grenier, gentilshommes verriers, qui avaient généreusement tenté de venir en aide à leur pasteur et ami.

La réunion de Genève à la France et la création de l’école de théologie de Montauban ôtèrent au séminaire français de Lausanne sa raison d’être ; aussi prit-il fin en 1812 ; les fonds, qui avaient longtemps assurés son existence, furent consacrés à l’entretien des étudiants français de la Faculté de théologie de Genève.

Le Sénat de Berne se considérait comme le protecteur attitré des protestants persécutés. Il avait pris en mains au dix-septième siècle, de concert avec le roi d’Angleterre et les États généraux des Pays-Bas, la cause des Vaudois du Piémont ; il montra également les meilleures dispositions pour le séminaire français. L’existence, dans un siècle d’autorité et de privilèges, d’une école libre, ne relevant que de l’initiative privée, méritait d’être mise en évidence[1].

  1. Voir dans le Chrétien évangélique de 1872, Nos 1 à 4, l’importante étude consacrée au Séminaire de Lausanne