Page:Collectif - Revue canadienne, Tome 1 Vol 17, 1881.djvu/588

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rique servira de refuge au trop plein des populations européennes. Toute nation bien posée, quelque petite qu’elle soit, possède des aptitudes qui lui sont propres, et pour tout dire, un génie particulier qui tient de la masse du peuple. Citons comme exemple, la Belgique et la Hollande. Aux États-Unis, c’est plutôt le concours simultané de races différentes qui fait le progrès ; rien ne s’y opère par l’unité, pas même la politique, qui un jour brisera ses rouages. L’espèce d’autonomie dont jouit chaque État est un besoin du moment que ne porte en soi aucune garantie pour l’avenir de la grande République. À force de lois spéciales et de franchises particulières, on finira par oublier le centre où doivent converger les principes de l’unité nationale. De là les scissions ; mais en attendant que la population se réduise en un tout plus homogène, le mouvement impétueux dont elle est l’image se continue toujours, jusqu’à ce qu’il plaise à Dieu de lui donner plus d’ordre et de régularité.

Pour être jusqu’à un certain point à l’abri de l’anarchie, la république américaine est loin d’avoir atteint l’idéal, comme elle prétend y croire, tant dans la forme de son gouvernement que dans les mœurs sociales. Là, comme chez d’autres nations avides de nouveautés et d’utopies, le principe de la liberté est ignoré, sinon entièrement, du moins en grande partie : il lui manque l’appui des vérités sublimes, qui seules rendent libre par la stricte observance des lois et par la soumission pleine et entière au droit divin. Un peuple docile vaut mieux qu’un peuple souverain, car ce dernier se gouvernant par lui-même avec son inévitable ignorance et ses nombreux caprices, tombe infailliblement dans le désordre, et le faux principe sur lequel il semble reposer avec tant de confiance ne sert qu’à manifester hautement son orgueil et son insubordination. Tel est le caractère de la nation américaine : ce n’est ni l’esprit malade et ravalé du socialisme européen, ni les nobles tendances qui produisent le dévouement et l’héroïsme ; c’est tout au plus un miracle d’équilibre qui finira tôt ou tard par s’abîmer dans le sort commun des institutions purement humaines. Si, après cela, l’on oppose la chute de certaines monarchies du passé à l’instabilité des républiques actuelles, il n’y a qu’à répondre par