Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/107

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

blessure. Mon rêve m’a-t-il bien montré l’homme en question ? C’est vous qui le savez, miss Fairlie, et vous pouvez dire si ce rêve m’a trompé ou non. Lisez, à présent, ce que je vis sous ces beaux dehors ; — je vous en supplie, lisez et comprenez !…

« Mon regard suivit les deux rayons de lumière, et pénétra jusqu’au fond de son cœur. Ce cœur était noir comme la nuit, et il y était écrit en lettres de flamme où se reconnaissait la main de l’Ange déchu : « Sans pitié, sans remords ! Il a jonché de misères les voies de bien d’autres créatures ; il jonchera de misère la voie de cette femme maintenant debout auprès de lui ! » Je lus cela ; les rayons de lumière haussèrent alors, et passèrent sur son épaule ; là, derrière lui, la tête d’un démon qui riait. Les rayons de lumière changèrent encore de direction et passèrent sur votre épaule ; là, derrière vous une douce figure d’ange ; elle pleurait. Pour la troisième fois, les rayons de lumière changèrent encore ; ils passaient alors, comme un glaive, entre cet homme et vous. Puis ils s’élargirent, vous séparant violemment l’un de l’autre. Et le prêtre chercha vainement dans son livre les prières du Mariage ; elles en avaient été arrachées ; et il referma le volume qu’il jeta loin de lui par un geste de désespoir. Moi, je m’éveillai les yeux pleins de larmes, et mon cœur battait, — car je crois aux rêves.

« Croyez-y aussi, miss Fairlie ! Dans votre propre intérêt, je vous en supplie, croyez-y comme j’y crois ! Joseph et Daniel, et bien d’autres encore, dans l’Écriture, ont interprété les songes. Fouillez le passé de cet homme à la cicatrice avant de prononcer les paroles qui feront de vous sa femme, sa femme à jamais malheureuse ! Ce n’est pas pour moi, c’est pour vous que je vous mets ainsi sur vos gardes. Aussi longtemps que le souffle vital passera dans ma poitrine, je m’intéresserai à votre bonheur. La fille de votre mère a dans mon cœur une place à part, — car votre mère fut ma première, ma meilleure, mon unique amie. »

Ainsi finissait cette missive extraordinaire qui ne portait d’ailleurs aucune sorte de signature.