Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/132

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— L’hospice était-il bien loin de l’endroit où vous me rencontrâtes ?… Voyons !… montrez, en répondant à cette question, que vous me croyez votre ami.

Elle me nomma l’établissement, — hospice particulier, sa situation le prouvait ; maison de santé, pour mieux dire, assez voisine de l’endroit où je l’avais vue, — puis, soupçonnant évidemment que je pourrais abuser de sa réponse, elle me répéta, non sans inquiétude, sa première question : — Vous ne croyez pas, « vous », qu’il faille m’y ramener, n’est-il pas vrai ?

— Encore une fois, je suis heureux que vous vous soyez échappée ; charmé qu’il ne vous soit rien arrivé après que vous m’eûtes quitté, répondis-je. Vous alliez, disiez-vous, rejoindre à Londres une de vos amies. L’y trouvâtes-vous ?

— Oui. Il était bien tard ; mais il y avait dans la maison une pauvre couturière encore à l’ouvrage ; elle me rendit le service d’éveiller mistress Clements… Mistress Clements, c’est mon amie… Une bonne, bien bonne femme ; mais mistress Fairlie valait encore mieux… Personne, voyez-vous, personne ne vaut mistress Fairlie.

— Mistress Clements est-elle pour vous une vieille amie ? La connaissez-vous depuis longtemps ?

— Oui, c’était une de nos voisines ; autrefois, chez nous, dans le Hampshire, elle m’aimait bien, elle prenait soin de moi quand j’étais toute petite. Il y a bien des années, quand elle nous quitta, elle écrivit pour moi, sur le premier feuillet de mon livre de prières, le nom de la rue où elle allait s’établir à Londres : puis elle me dit : « Si jamais vous êtes en peine, chère Annette, venez me trouver ! je n’ai pas au monde un mari qui me contredise, je n’ai pas d’enfants à faire vivre, et je prendrai soin de vous. » Voilà de bonnes paroles, n’est-ce pas ?… c’est parce qu’elles étaient bonnes, je suppose, que je me les rappelle si bien. Je n’ai pas eu grand’chose à me rappeler depuis, — pas grand’chose, en vérité, pas grand’chose…

— N’aviez-vous donc ni père ni mère pour prendre soin de vous ?