Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/202

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— Vous voulez dire, sans doute, la vieille femme qui était avec elle dans le Cumberland, demandai-je.

— Non, ni rien qui lui ressemble, répondit M. Merriman. Nous n’avons pas encore mis la main sur la vieille femme. Notre quelqu’un est un homme ; il est jeune ; il est ici, à Londres, où nous ne le perdons pas de vue, et nous avons toute raison de penser que, voulant du bien à miss Catherick, il a été pour quelque chose dans son évasion de l’asile. Sir Percival voulait immédiatement le prendre à partie, mais je m’y suis opposé : « Non, lui ai-je dit, ce serait le mettre sur ses gardes ; guettons-le, sachons attendre ! » Nous verrons ce qui arrivera. Cette femme en liberté, monsieur Gilmore, nous donnera peut-être du fil à retordre : qui sait ce qu’elle inventera, maintenant ?… Bien le bon jour, très-cher maître !… Je compte, pour mardi prochain, sur le bonheur d’entendre parler de vous. Là dessus, avec un sourire aimable, il s’éloigna.

Pendant cette dernière partie de la conversation avec mon confrère, mon esprit, je l’avoue, était quelque peu préoccupé. J’avais si fort à cœur l’affaire des vingt mille livres, que tout autre sujet me trouvait distrait ; aussi, quand on m’eut laissé seul, je me mis à chercher comment je pourrais me tirer de là.

S’il se fût agi de tout autre client, je m’en serais tenu à mes instructions, si déplaisantes qu’elles m’eussent paru, et, sans plus de luttes, j’aurais immédiatement abandonné les vingt mille livres. Mais, vis-à-vis de miss Fairlie, je ne pouvais agir avec cette indifférence d’homme d’affaires. Je me sentais pour elle toute l’affection et l’admiration que je lui devais ; je me souvenais avec reconnaissance que son père avait été pour moi le meilleur des patrons, l’ami le plus dévoué ; tout en dressant le contrat, j’éprouvais exactement les mêmes anxiétés pour elle que j’aurais pu ressentir si je n’eusse été un vieux célibataire, pour ma propre fille ; et j’étais bien décidé à n’épargner pour son service, alors que ses principaux intérêts étaient en jeu, aucun sacrifice personnel. Il ne fallait pas songer à écrire une seconde fois à M. Fairlie ; cela n’eût servi qu’à lui donner une seconde occasion de me glisser entre les