Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/305

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Sir Percival poussa un éclat de rire si violent, si peu courtois, qu’il nous fit tous tressaillir, — et le comte un peu plus fort que les autres.

— Je le crois aussi, dis-je pour venir au secours de Laura.

Sir Percival, que la remarque de sa femme avait si fort diverti sans qu’on sût pourquoi, fut pris, en face de la mienne, d’une colère également inexplicable. De son bâton neuf, il frappa le sable avec violence, et s’écarta brusquement de nous.

— Ce cher Percival ! s’écria le comte Fosco, le suivant d’un regard joyeux. Encore une victime du spleen britannique… Mais, chère miss Halcombe, chère lady Glyde, est-ce que réellement vous croyez au crime se dénonçant lui-même ?… Et vous, mon ange, continua-t-il en se tournant vers sa femme qui n’avait pas encore prononcé une parole, est-ce donc aussi votre avis ?

— J’attends quelques leçons de plus, répondit la comtesse qui semblait, par son accent froid et réprobateur, s’adresser particulièrement à Laura et à moi, — pour me hasarder à exprimer mon opinion devant des hommes si au courant de toutes choses.

— En vérité ! répondis-je. J’ai vu le temps, comtesse, où vous revendiquiez les droits de la femme, — et la liberté de nos opinions était, je crois, l’un d’eux.

— Comment envisagez-vous ce sujet, comte ? demanda madame Fosco, qui continuait tranquillement ses cigarettes, et ne sembla pas m’accorder la plus légère attention.

Le comte, d’un air pensif, passa deux ou trois fois son petit doigt potelé sur le dos d’une de ses souris blanches avant de répondre à cette question.

— Il y a de quoi s’émerveiller, dit-il enfin, quand on voit avec quelle facilité la société se console de ses pires maladies, au moyen du premier emplâtre venu. La machine fort compliquée qu’elle a construite pour la découverte du crime est d’une inefficacité misérable. — Eh bien ! trouvez seulement un beau petit dicton moral, affirmant que cette machine fonctionne à merveille, et, à partir de ce moment, personne ne s’aperçoit plus de ses