Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/314

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le motif de l’intervention du comte, qui m’avait intriguée tout d’abord, se révéla dès que sir Percival eut tourné les talons. Le comte avait une foule de questions à me poser, et sur mistress Catherick, et sur les causes de sa visite à Blackwater-Park, pour lesquelles la présence de son ami l’aurait gêné. Mes réponses furent aussi brèves que la politesse le permettait, — car j’avais déjà résolu d’éviter tout ce qui pourrait amener de près ou de loin, un échange de confidences entre le comte Fosco et moi. Laura, cependant l’aida sans le vouloir à tirer de moi tout ce que je savais, en m’adressant elle-même des questions qui ne me laissaient d’autre alternative que de lui répondre ou de lui apparaître, rôle très-peu enviable et très-faux, comme la gardienne des secrets de sir Percival. L’issue de tout ceci fut qu’en moins de dix minutes, le comte en savait autant que moi sur mistress Catherick et les incidents qui nous ont si étrangement mis en rapport avec sa fille Anne, depuis l’époque où Hartright la rencontra jusqu’à la présente journée.

L’effet que mes renseignements eurent sur lui m’apparut sous un point de vue assez curieux.

Si intimement qu’il connaisse sir Percival, et si au courant qu’il semble être de ses affaires privées, il n’en sait pas plus long que moi, j’en suis sûre, au sujet de la véritable histoire d’Anne Catherick. Le mystère encore impénétré qui se rattache à cette infortunée devient à mes yeux doublement suspect, par la conviction absolue où je suis maintenant, que sir Percival l’a tenu caché à son plus intime ami dans ce bas monde. Il était impossible de se méprendre à l’ardente curiosité que trahissaient l’attitude et la physionomie du comte pendant qu’il absorbait, pour ainsi dire, avec avidité, chaque parole tombée de mes lèvres. On est curieux, je le sais, de bien des manières ; — mais il n’y a pas deux interprétations à la curiosité qui vous prend à court et vous fait perdre contenance ; or, si je l’ai jamais lue sur un visage humain, c’est en ce moment sur celui du comte.

Tandis que les questions et les réponses se succédaient,