Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/342

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mander. — Je ne répondis rien (vous savez pourquoi, Marian) et voulus changer de conversation. Mais mistress Markland tenait à son idée. J’ai eu bien des maîtres, continua-t-elle ; le meilleur de tous, cependant, le plus intelligent et le plus attentif, était un certain M. Hartright. Si jamais vous revenez au dessin, essayez de lui. C’est un jeune homme très-modeste, très-bien élevé… je suis sûre qu’il vous plaira… Pensez à l’effet de ces paroles, qui m’étaient adressées publiquement, en présence d’étrangers, d’étrangers invités afin qu’on leur présentât les nouveaux mariés ! Je fis, pour me maîtriser, tout ce qui dépendait de moi… Pas un mot ne sortit de mes lèvres, et je me penchai sur les dessins, comme pour les examiner de plus près. Lorsque je me hasardai à relever la tête, mes yeux rencontrèrent ceux de mon mari, et je lus dans sa physionomie que mon visage m’avait trahie. — Quand nous retournerons en Angleterre, dit-il sans cesser de me regarder, nous verrons à trouver ce M. Hartright. Je le pense comme vous, mistress Markland, et… je crois qu’il ne saurait manquer de plaire à lady Glyde… La manière dont il avait souligné ces derniers mots fit monter le sang à mes joues, et je sentis mon cœur qui battait à m’étouffer. Rien de plus ne fut dit. — Nous nous retirâmes de bonne heure. En me ramenant à l’hôtel, en voiture, il ne prononça pas un seul mot. Il m’offrit la main pour descendre et me suivit sur l’escalier, comme d’habitude. Mais, à peine arrivés dans le salon, il ferma la porte à clé, me poussa dans un fauteuil, et, les mains toujours appuyées sur mes épaules, sa tête penchée au-dessus de la mienne : — Je n’ai jamais cessé, dit-il, depuis le jour, où, à Limmeridge, vous me fîtes cette confession audacieuse, de chercher à découvrir l’homme dont il s’agissait. Ce soir, votre visage me l’a révélé. Cet homme était votre professeur de dessin, et il se nomme Hartright. Vous aurez à vous en repentir, et il s’en repentira lui-même jusqu’à votre dernière heure à tous deux !… Allez dormir, maintenant, et voyez-le dans vos rêves, si cela vous plaît, les épaules labourées par ma cravache !… Depuis lors, toutes les fois qu’il est