Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/570

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que jour et chaque heure pouvaient rendre de plus en plus imminent, — fut l’influence unique qui me dirigea dans le choix de notre retraite. Je la préférai tout à fait à l’est de Londres, là où l’on trouve dans les rues le moins de gens oisifs, flânant et observant ce qui se passe autour d’eux. Je la préférai dans un quartier pauvre et populeux, — attendu que là où les hommes et les femmes dont nous serions entourés auraient à lutter plus énergiquement contre les nécessités de la vie, nous risquions d’autant moins qu’ils eussent le temps ou prissent la peine de surveiller des étrangers tout à coup survenus au milieu d’eux. Tels étaient à mes yeux les grands avantages de cette élection de domicile ; mais elle en avait un autre non moins essentiel. Nous pouvions vivre à peu de frais avec le produit de mon travail quotidien ; nous pouvions ainsi consacrer jusqu’à notre dernier farthing à promouvoir le dessein, — le dessein légitime de redresser un tort infâme, — que j’avais en vue perpétuellement, sans jamais m’en laisser distraire.

Au bout d’une semaine, Marian Halcombe et moi nous avions réglé le cours de notre nouvelle existence.

Il n’y avait pas d’autres locataires dans la maison, et nous pouvions entrer et sortir sans traverser la boutique du rez-de-chaussée. J’établis pour règle, du moins jusqu’à nouvel ordre, que ni Marian, ni Laura, ne feraient un pas hors de la maison sans que je fusse avec elles, et que, venant à m’absenter du logis, elles ne laisseraient entrer personne, sous quelque prétexte que ce fût, dans les pièces réservées à leur usage. Ceci arrangé, j’allai trouver un ancien ami, — un graveur sur bois, pourvu d’une nombreuse clientèle, — et je lui demandai de m’employer, — ajoutant que j’avais des raisons pour souhaiter de rester inconnu.

Il en conclut immédiatement que j’avais des dettes, — me témoigna sa sympathie dans les termes accoutumés, et me promit de faire tout ce qu’il pourrait pour me venir en aide. Je ne cherchai pas à rectifier ses fausses idées, et j’acceptai le travail qu’il avait à me donner. Il savait qu’il pouvait se fier à mon expérience et à mon zèle.