Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/573

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portantes lacunes, quand on en venait à une comparaison minutieuse. Dans ce temps-là, les voyant ensemble et côte à côte, personne n’eût pu les prendre un seul instant l’une pour l’autre, ainsi que cela s’est vu fréquemment pour des enfants jumeaux. Maintenant, je n’aurais pu m’exprimer de même à ce sujet. Les souffrances et les chagrins que je m’étais autrefois reproché d’associer à l’avenir de Laura Fairlie, même dans une de mes pensées éphémères, avait empreint sur sa jeune beauté leurs stigmates profanateurs ; et la fatale ressemblance que je n’avais pu entrevoir sans un frémissement intérieur autrefois, et simplement par la pensée, était maintenant une ressemblance réelle et vivante, dont mes yeux mêmes m’affirmaient l’exactitude. Des personnes étrangères, de simples connaissances, — voire des amis qui ne l’auraient pas envisagée des mêmes yeux que nous, — si elle leur eût été montrée dès les premiers jours qui suivirent sa délivrance, auraient pu douter, et douter sans encourir le moindre blâme, que ce fût là cette même Laura Fairlie, jadis l’objet de leur admiration enthousiaste.

De plus, l’unique chance sur laquelle d’abord j’avais cru pouvoir compter, — celle qui consistait à évoquer chez elle le souvenir de personnes et de faits que nul imposteur ne pût connaître comme elle, — se trouvait, d’après notre récente et triste expérience, complètement annulée. Chaque petite précaution que Marian et moi prenions vis-à-vis d’elle, chaque petit remède que nous tentions pour fortifier, raffermir lentement ses facultés ébranlées et oblitérées, devenait une protestation nouvelle contre les dangers au-devant desquels nous irions, en forçant son esprit à se préoccuper d’un passé orageux et terrible.

Les seuls incidents du temps jadis que nous pussions nous hasarder à lui rappeler, étaient les menus détails domestiques de cet heureux temps passé à Limmeridge, alors que j’y étais allé pour lui donner des leçons de peinture. Le jour où je réveillai ce souvenir en lui montrant l’esquisse du kiosque-chalet qu’elle m’avait donnée le matin de nos adieux, et qui, depuis lors, ne m’avait