Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/589

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— Il est revenu à Londres, répondit M. Kyrle ; du moins l’ai-je entendu dire ainsi par son « solicitor », que je rencontrai pas plus tard qu’hier…

Sur cette réponse, je le quittai.

Au sortir de l’étude, la première précaution à prendre était de ne pas attirer l’attention en affectant de regarder autour de moi. Je marchai sans retourner la tête dans la direction du plus solitaire de ces grands squares que l’on trouve au nord de Holborn ; là, je m’arrêtai tout à coup, dans un endroit d’où mon regard embrassait un large rayon de terrains découverts.

À l’angle du square se tenaient deux hommes qui venaient aussi de s’arrêter et causaient ensemble. Après un moment de réflexion, je revins sur mes pas, de manière à passer près d’eux. Comme j’approchais, l’un se mit en marche et tourna le coin qui, du square, menait à la rue que j’allais prendre. L’autre demeura sur place. Je le regardai en passant, et reconnus, à l’instant même, un des hommes qui jadis m’espionnaient, avant mon départ pour l’Amérique.

Si j’eusse été libre de m’abandonner à mes instincts, j’aurais débuté par adresser la parole à cet homme, et fini par lui tomber dessus. Mais j’étais astreint à peser les conséquences de chaque démarche. Me mettre une seule fois publiquement dans mon tort, c’était fournir contre moi des armes à sir Percival. Nulle autre alternative que d’opposer la ruse à la ruse. Je descendis la rue par laquelle le second de ces individus avait disparu, et je passai devant lui, le laissant embusqué sous une porte.

Il m’était tout à fait inconnu ; et je saisis avec empressement cette occasion de noter son aspect général, en vue des poursuites dont, à l’avenir, je pourrais être l’objet. Cela fait, je continuai à marcher dans la direction du nord jusqu’à ce que j’eusse atteint New-Road. Là, j’inclinai vers l’ouest (les deux hommes me suivant toujours) et, dans un endroit où je me savais à petite distance d’une station de cabriolets, j’attendis qu’une de ces voitures légères, vide et attelée d’un bon cheval, vînt à passer devant moi. En peu de minutes, mon désir à cet