Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/68

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— Je vous, comprends, monsieur Hartright, dit-elle ; vous vous demandez ce que peut être devenue votre élève « numéro deux ». Elle est descendue, et son mal de tête est guéri ; mais elle n’a pas assez regagné d’appétit pour venir s’asseoir au « luncheon ». Si vous voulez m’accepter pour guide, je crois pouvoir vous garantir que nous la retrouverons dans quelque coin du jardin…

Elle prit, à ces mots, une ombrelle, posée auprès d’elle sur un fauteuil, et, passant par une porte-fenêtre qui ouvrait du côté des pelouses, elle me montra le chemin. Il est presque inutile de dire que nous laissâmes mistress Vesey encore installée à table, ses mains à fossettes toujours croisées au bord de son assiette, et posée là, selon toute apparence, pour le reste de l’après-midi.

Comme nous traversions les pelouses, miss Halcombe me jeta un regard d’intelligence, et, avec un léger mouvement de tête :

— Votre mystérieuse aventure, me dit-elle, demeure encore enveloppée dans ces ténèbres de minuit qui lui vont si bien. J’ai passé toute la matinée à fureter parmi les lettres de ma mère ; et je n’ai encore rien découvert. Cependant, monsieur Hartright, ne perdez pas sitôt toute espérance. Ceci est une affaire de curiosité ; or, vous avez pour alliée une femme. Dans de telles circonstances, on doit, tôt ou tard, réussir. Ces lettres mêmes, je ne les ai pas toutes examinées. Il m’en reste encore trois paquets à ouvrir, et vous pouvez compter que je passerai la soirée entière à les dépouiller avec soin.

Ainsi, déjà, une de mes espérances du matin se trouvait déçue. Et je commençai à me demander alors si ma présentation à miss Fairlie ne tromperait pas les pressentiments qui, depuis le déjeuner, me faisaient l’attendre avec une si vive impatience.

— Et comment vous êtes-vous tiré d’affaire avec M. Fairlie ? me demanda miss Halcombe, au moment où nous quittions les pelouses pour entrer dans un jeune taillis. Était-il, ce matin, plus nerveux qu’à l’ordinaire ?… Oh ! monsieur Hartright, ne prenez pas tant de peine à