Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/741

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— Oui, sans aucun doute. Il y a la chance de retrouver la date perdue, celle du voyage de Laura vers Londres. Sans reprendre en sous-œuvre les raisons que je vous donnais il y a quelque temps, je suis aussi fermement convaincu que jamais de la discordance qui doit exister entre la date de ce voyage et la date portée sur le certificat de décès. C’est là qu’est le point faible de tout le complot. Il s’écroule de fond en comble, si nous parvenons à l’attaquer dans cette direction ; et les moyens d’attaque, le comte les possède. Si je réussis à les lui arracher, l’objet de votre vie, l’objet de la mienne se trouvent remplis. Si j’échoue, le tort fait à Laura ne recevra jamais en ce monde une réparation complète.

— Et vous-même, Walter, craignez-vous d’échouer ?

— Je n’ose présumer le succès ; et c’est précisément pour cette raison, Marian, que vous m’avez vu m’expliquer aussi ouvertement, aussi simplement que je l’ai fait. Je puis le dire en toute conscience et la main sur le cœur, les espérances que peut faire concevoir l’avenir de Laura sont en ce moment au plus bas. Je sais que sa fortune est anéantie ; je sais que la dernière chance de lui rendre sa position dans le monde est à la discrétion du pire ennemi qu’elle ait, d’un homme jusqu’à présent inattaquable, et qui peut rester inattaquable jusqu’au bout. Maintenant qu’elle a perdu tout ce qu’elle avait d’avantages mondains ; maintenant que tout espoir de lui rendre son rang est plus que douteux ; maintenant que son avenir le plus assuré dépend de ce que son mari pourra faire pour elle, — le pauvre professeur de dessin peut enfin, sans risquer de lui nuire, lui ouvrir son cœur tout entier. Au jour de sa prospérité, Marian, je n’étais pour elle que le maître chargé de guider sa main ; à présent qu’elle est malheureuse, je la réclame, cette main, comme celle de ma femme !…

Les regards de Marian vinrent affectueusement chercher les miens. — Je ne pouvais rien dire de plus. Mon cœur était gonflé, mes lèvres étaient tremblantes. Pour un peu, en dépit de moi-même, j’aurais imploré sa pitié. Je me levai pour quitter la chambre. Elle se leva au