Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/746

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considérable qu’à l’ordinaire, étaient débarqués déjà, et, chaque jour, débarquaient en Angleterre. Il y avait chez nous, par centaines, des hommes que l’incessante méfiance de leurs gouvernements y surveillait en secret, au moyen d’agents mercenaires. Mes conjectures ne classèrent pas un seul instant parmi la troupe vulgaire des espions étrangers en sous-ordre un homme placé dans le monde comme l’était le comte, et pourvu de talents si exceptionnels. Je le soupçonnai d’occuper une fonction supérieure, et d’être chargé par le gouvernement qui l’avait secrètement à sa solde, d’organiser et de diriger les agents, tant hommes que femmes, employés dans notre pays ; et je regardai comme fort probable que mistress Rubelle, cette garde découverte pour Blackwater-Park dans un moment si opportun, devait figurer au nombre de ces agents.

En admettant que cette idée à moi eût quelque fondement réel, la position du comte pouvait se trouver moins inattaquable que je ne m’étais jusqu’alors hasardé à le supposer. Mais à qui m’adresser pour en savoir plus long sur le passé de cet homme, et sur cet homme lui-même ? Dans cet embarras, il me vint naturellement à la pensée, qu’un de ses compatriotes, sur lequel je pourrais compter, serait le personnage le plus en état de me prêter assistance. Le premier à qui je dus penser, dans de telles circonstances, fut également le seul Italien avec qui j’eusse jamais eu des rapports intimes ; — mon original petit ami, le professeur Pesca.

Le professeur a disparu depuis si longtemps de ces pages qu’il a couru le risque d’être complètement oublié.

C’est la loi rigoureuse d’un récit comme le mien, de n’y faire apparaître les différents personnages qu’au moment où le cours des événements les réclame ; — ils entrent sur la scène, ils en sortent, non par suite d’une partialité capricieuse de ma part, mais en vertu du droit que leur donne un rapport direct établi entre eux et les circonstances qu’il s’agit de relater. C’est par cette raison,