Page:Collins - La Femme en blanc.djvu/824

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par avoir sous les yeux l’affreux tableau dont ils se repaissaient.

Il était là, désavoué par tous, inconnu de tous ; exposé à la curiosité frivole d’une populace française ! Ici était venue aboutir cette longue existence de talents dégradés et d’insouciance criminelle ! Dans ce repos sublime dont la mort l’enveloppait, son visage sculptural, aux larges contours, se montrait à nous empreint d’une telle majesté, que les Parisiennes qui caquetaient autour de moi s’écriaient en chœur, de leurs voix aiguës, en levant les mains d’admiration : — « Ah ! le bel homme ! Mon Dieu, le bel homme !… » Une seule blessure l’avait tué ; c’était un coup de couteau ou de poignard dont l’étroite plaie se voyait à peine au-dessus du cœur. Le cadavre ne portait aucune autre trace de violence, si ce n’est pourtant au bras gauche ; et là, justement à l’endroit où j’avais vu marqué le bras de Pesca, deux fortes entailles, dessinant assez nettement la lettre T, avaient absolument effacé le symbole de la société secrète. Les vêtements du mort, accrochés au-dessus de lui montraient qu’il avait eu conscience de son danger ; — ils étaient choisis de manière à le déguiser en ouvrier parisien. Pendant quelques secondes encore, mais non plus longtemps, je me contraignis à contempler ce spectacle, à travers la cloison transparente. Mais je n’en dirai pas davantage ; car c’est là tout ce que je vis.

Le peu de renseignements relatifs à cette mort, que j’ai pu me procurer dans la suite, (quelques-uns de Pesca, quelques autres puisés à différentes sources) doivent être résumés ici pour en finir avec ce triste sujet.

Le corps de Fosco avait été retiré de la Seine, encore enveloppé du déguisement dont j’ai parlé ; rien ne fut trouvé sur lui qui révélât ou son nom, ou son rang, ou l’endroit qu’il habitait. La main qui l’avait frappé ne fut jamais connue, et les circonstances dans lesquelles il avait péri sont encore ignorées. Je laisse aux autres le soin de tirer leurs conclusions, comme j’ai tiré les miennes, par rapport à ce mystérieux assassinat. Lorsque j’aurai dit