Page:Collins - La Pierre de lune, 1898, tome 2.djvu/103

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« Elle retourna à ses occupations et moi aux miennes.

« J’étais chargée, monsieur, de faire votre lit et de mettre votre chambre en ordre ; j’y passais l’heure la plus heureuse de ma journée. Je déposais un baiser sur l’oreiller où votre tête avait reposé ; qui que ce soit qui ait fait votre service depuis lors, je le défie d’avoir aussi bien rangé vos effets que moi ; jamais un grain de poussière ne déparait aucun des petits objets qui garnissaient votre nécessaire de toilette ; vous n’y prîtes pas plus garde que vous ne faisiez attention à ma personne ; mais excusez-moi, je m’oublie ; je vais continuer et me hâter.

« Ce même matin, j’allai faire mon ouvrage chez vous, votre robe de nuit était jetée sur le lit, comme lorsque vous l’aviez ôtée ; et qu’y vis-je ? La tache de peinture provenant de la porte de miss Rachel !

« Je fus si effrayée de cette découverte, que je sortis, le vêtement à la main, et que je courus m’enfermer dans ma chambre ; il me tardait d’être dans un lieu où personne ne viendrait me déranger. Aussitôt que j’eus repris mes esprits, la conversation que j’avais eue avec Pénélope revint à ma mémoire.

« — Voici la preuve, me dis-je, qu’il était dans le boudoir de miss Rachel entre minuit et trois heures du matin ! »

« Je n’ose vous dire en propres termes quel fut mon premier soupçon, lorsque j’eus fait cette observation. Vous vous fâcheriez contre moi et vous déchireriez ma lettre sans la lire.

« Laissons donc cela ; d’ailleurs, après y avoir bien songé, je trouvai peu probable qu’il en fût ainsi par la raison que je vais vous donner. Si vous aviez été auprès de miss Rachel à cette heure-là, du consentement de miss Rachel, et que vous eussiez été assez imprudent pour oublier la peinture de la porte, elle vous l’eût rappelée, et, en tous cas, ne vous eût pas laissé emporter étourdiment un témoignage aussi accablant contre elle ! Toutefois, j’avouerai en même temps que la fausseté de mes soupçons ne m’était pas absolument démontrée ! Veuillez vous rappeler qu’il faut faire dans tout ceci la part de mon aversion pour miss Rachel. En fin de compte, je me décidai à conserver la robe de nuit et à attendre pour voir l’usage que j’en pourrais faire ; notez bien