Page:Collins - La Pierre de lune, 1898, tome 2.djvu/115

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« — Il serait trop heureux si elle voulait le lui permettre ! Mais elle n’entendra pas de cette oreille-là. Il a eu aussi à subir sa mauvaise humeur ; il est très-mal dans ses papiers, et cela après avoir tout fait pour l’aider ; pauvre garçon ! Non, non, s’ils ne se raccommodent pas avant le départ de demain, vous les verrez s’en aller chacun de son côté. Je ne sais où il portera ses pas, mais ce dont je suis sûre, c’est qu’il ne restera pas ici une fois miss Rachel partie. »

« Je parvins à maîtriser la douleur qui s’empara de moi après cette conversation. À dire vrai, j’entrevoyais pourtant une petite lueur d’espoir, si une rupture sérieuse pouvait avoir lieu entre vous et miss Rachel.

« — Savez-vous, dis-je, ce qui a amené cette brouille entre eux ?

« — Elle est toute du fait de miss Rachel, répondit Pénélope, et, autant que j’en puis juger, elle n’est imputable qu’à son humeur. Je regrette de vous affliger, Rosanna, mais ne vous bercez pas de l’illusion que M. Franklin vienne jamais à se quereller avec elle ! Il en est bien trop fou pour cela. »

« Elle finissait ces mots cruels, lorsqu’on vint nous appeler de la part de M. Betteredge ; tous les domestiques de l’intérieur devaient se réunir dans le hall. Nous allâmes de là une à une dans la chambre de M. Betteredge pour y être interrogées par le sergent Cuff.

« Mon tour vint après celui de la première housemaid et de la femme de chambre. Les questions du sergent, bien qu’habilement déguisées, me convainquirent que ces femmes, mes plus cruelles ennemies, avaient fait leurs découvertes à ma porte dans l’après-dînée du mardi, puis dans la nuit du jeudi. Elles en avaient dit assez au sergent pour lui faire deviner une partie de la vérité. Il ne se trompait pas en croyant que j’avais travaillé secrètement à une robe de nuit, mais il supposait à tort que le vêtement taché m’appartenait. Il insinua aussi une opinion qui ne laissa pas que de m’intriguer. Il me soupçonnait bien en effet d’être mêlée à la disparition du diamant, mais en même temps il me fit voir avec intention qu’il ne me regardait pas comme l’auteur principal du vol ; selon lui, j’avais agi pour le compte d’une