Page:Collins - La Pierre de lune, 1898, tome 2.djvu/117

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chambre de Lucy Yolland ; lorsqu’elle sera finie, je descendrai avec la robe de nuit cachée sous mon manteau et je trouverai dans le capharnaüm de Mrs Yolland ce qu’il faut pour l’enfermer et la mettre à l’abri de l’eau, puis j’irai aux Sables. Ne craignez pas que l’empreinte de mes pas me trahisse ! J’enfouirai mon secret dans le sable et aucune créature vivante ne pourra le découvrir, à moins que je ne lui indique moi-même le lieu où est la cachette.

« Et après, que ferai-je ?

« Alors, monsieur Franklin, j’aurai deux motifs pour tenter de nouveau de vous parler ; si vous quittez la maison avant que j’aie pu m’expliquer, je perds l’occasion de le faire jamais, voilà ma première raison ; en second lieu, si mes paroles vous irritent, j’ai la consolante conviction que la possession du vêtement plaidera toujours ma cause. Si tout cela manque, si je ne parviens pas à me raidir contre votre cruelle froideur, alors je cesserai mes efforts, mais ma vie finira, elle aussi.

« Oui, si je perds ma dernière chance, si vous êtes toujours aussi impitoyable et si mon cœur persiste à en être touché, alors je dirai adieu à ce monde qui m’aura refusé ma part du bonheur qu’il accorde à tant d’autres. Fi de cette existence qu’un peu d’affection venant de vous pouvait seule me rendre supportable ! ne vous reprochez rien, si je finis ainsi ; mais tâchez, ah ! tâchez de m’accorder un souvenir indulgent ! Je veux que vous sachiez ce que j’ai fait pour vous, alors que je ne serai plus là pour vous le dire moi-même ! Parlerez-vous au moins de moi une seule fois avec la même douceur que vous mettez dans votre voix lorsque vous vous adressez à miss Rachel ? Si vous me donnez cette consolation, je crois que mon ombre tressaillira du plaisir que j’en éprouverai.

« Il est temps de cesser ; je pleure, et comment saurai-je aller vers la cachette, si ces larmes inutiles continuent à m’aveugler ? D’ailleurs, pourquoi n’envisager que le côté le plus sombre de la situation ? pourquoi ne pas croire que tout ira mieux que je ne le suppose ? Je puis ce soir vous trouver de bonne humeur, ou, sinon, avoir meilleure chance demain matin ; je n’embellirai pas ma pauvre figure en me morfondant ainsi, n’est-ce pas ? Qui sait si je n’aurai pas