Page:Collins - La Pierre de lune, 1898, tome 2.djvu/121

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

terre ni à l’étranger ; il est évident que si j’avais été somnambule, une foule de gens s’en seraient aperçus, on m’en aurait prévenu dans mon propre intérêt, et on eût pris les moyens de me guérir de cette malheureuse disposition. J’admettais tout cela, et néanmoins, avec une persistance bien naturelle dans ma situation, je me cramponnais à l’une ou à l’autre des deux seules hypothèses qui pussent expliquer les faits dont la réalité était indiscutable. Voyant que je n’étais pas convaincu, Betteredge me rappela fort à propos certaines circonstances postérieures qui se rapportaient à l’histoire du diamant et qui devaient réduire à néant mes dernières objections.

« Essayons donc d’une autre manière, monsieur, me dit-il ; gardez votre opinion, et voyons jusqu’à quel point elle peut supporter l’examen. Si nous croyons à l’aventure de la robe de nuit, ce à quoi je me refuse pour mon propre compte, non-seulement vous auriez frôlé la peinture de la porte, inconsciemment, mais encore vous auriez pris le diamant sans le savoir. C’est bien cela jusqu’ici, n’est-ce pas ?

— Parfaitement ; poursuivez.

— Très-bien, monsieur. Disons que vous étiez gris ou somnambule, lorsque vous prîtes la Pierre de Lune : l’explication est valable pour ce qui est de la nuit et de la matinée du vol, mais s’applique-t-elle également à ce qui s’est passé depuis ? À partir de ce moment, le diamant a été porté à Londres. Là, il a été mis en gage chez M. Luker. Avez-vous donc fait ces deux choses toujours à votre insu ? Étiez-vous encore sous l’influence de l’ivresse lorsque je vous embarquai dans la chaise à poneys le samedi soir ? Ou bien est-ce dans un accès de somnambulisme qu’au sortir du wagon vous vous êtes rendu chez M. Luker ? Excusez ma franchise, monsieur Franklin, mais cette déplorable affaire a bouleversé vos sens, et vous n’êtes plus en état de juger par vous-même. Le plus tôt que vous vous confierez à M. Bruff, ce sera le mieux, et vous y gagnerez la seule chance qui vous reste de résoudre une pareille énigme. »

Nous atteignîmes la station une ou deux minutes avant le départ du train.

Je n’eus que le temps de donner mon adresse à Betteredge afin qu’il pût m’écrire, en cas de besoin, et je lui promis de