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Je restai, les papiers entre mes mains, absolument stupéfait.

« Tâchez de pardonner au pauvre M. Candy, dit son assistant avec douceur ; il a causé de grands malheurs, je l’avoue, mais sa volonté n’y était pour rien. En parcourant ces notes, vous y verrez que, si la maladie ne l’en eût empêché, il comptait dès le lendemain matin retourner chez lady Verinder et vous avouer le tour qu’il vous avait joué. Miss Verinder l’eût su, eût questionné le docteur, et la vérité qui vous a échappé pendant un an aurait été connue immédiatement. »

Je commençais à reprendre mon sang-froid.

« M. Candy ne peut plus être l’objet de mon ressentiment, dis-je d’un ton amer, mais sa plaisanterie n’en est pas moins un acte de mauvaise foi. Je puis pardonner, mais je ne saurais oublier.

— Tout homme voué à la carrière médicale se rend coupable de pareilles supercheries dans l’exercice de sa profession, monsieur Blake. La méfiance ignorante qui existe contre l’opium en Angleterre n’est pas seulement le fait des classes inférieures ; tout médecin ayant une clientèle un peu étendue se voit forcé de tromper parfois ses malades, comme M. Candy vous a trompé. Je ne prétends pas excuser un acte dont les conséquences ont été si fatales ; tout ce que je souhaite, c’est que vous vous placiez au vrai point de vue, pour ne point le juger trop sévèrement.

— Comment cela s’est-il passé ? demandai-je. Qui m’a donné le laudanum sans que je m’en doutasse ?

— Je ne saurais vous renseigner à cet égard. M. Candy n’a rien laissé échapper là-dessus pendant tout le cours de sa maladie ; votre mémoire ne pourrait-elle vous aider ?

— Non.

— En ce cas, il est inutile de poursuivre cette recherche ; le laudanum vous a été administré secrètement, d’une façon ou d’une autre ; laissons cela et arrivons à un objet plus important. Lisez mes notes, si vous le pouvez. Évoquez devant votre esprit toutes les circonstances du passé. Quant à l’avenir, j’ai quelque chose de très-hardi et de très-imprévu à vous proposer. »

Ces derniers mots me firent sortir de ma torpeur. Je pris