Page:Collins - La Pierre de lune, 1898, tome 2.djvu/179

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mière feuille étaient ici remplis à l’encre rouge. Je donne le tout ci-après ; on pourra de la sorte comparer le texte original avec l’interprétation d’Ezra Jennings.

« M. Franklin Blake est intelligent et agréable, mais il a besoin d’une petite leçon pour lui rabattre le caquet lorsqu’il parle de médecine. Il avoue avoir souffert du manque de sommeil et ne pouvoir dormir la nuit. Je lui dis que son système nerveux n’est pas en bon état, et qu’il devrait avoir recours à la médecine ; il me répond qu’avoir foi en la médecine ou bien tâtonner dans l’obscurité, c’est exactement la même chose, et cela à table devant toute la société ! Je lui réponds : « C’est le sommeil que vous cherchez à tâtons, et rien que la médecine ne vous aidera à le retrouver. » Il dit : « J’ai entendu parler d’un aveugle voulant conduire un autre aveugle, et je sais maintenant ce que cela signifie. » Il est spirituel, mais je saurai lui procurer une nuit de sommeil malgré lui. Il a réellement besoin de sommeil, et la pharmacie de lady Verinder est à ma disposition. Qu’il prenne vingt-cinq gouttes de laudanum ce soir, sans qu’il s’en doute, et je viendrai le voir demain matin : « Eh bien, monsieur Blake, voulez-vous essayer d’un peu de médecine aujourd’hui ? vous ne dormirez jamais sans elle. — Vous voilà bien dérouté, monsieur Candy, j’ai eu une excellente nuit sans elle ! » Alors, ce sera à mon tour de l’accabler par l’aveu de la vérité : « Vous avez pris quelque chose, outre votre nuit parfaite ; vous avez pris une dose de laudanum, monsieur, avant de vous mettre au lit ; et maintenant que direz-vous de la médecine, je vous prie ? »

Lorsque je rendis le manuscrit à Ezra Jennings, je ne songeai tout d’abord qu’à admirer l’intelligence à l’aide de laquelle il était parvenu à dégager le sens de ces phrases embrouillées et confuses.

Il interrompit modestement mes éloges en me demandant si le résultat de ma lecture était d’accord avec ses propres conclusions.

« Croyez-vous, me dit-il, comme moi j’en suis convaincu, que vous fussiez sous l’influence du laudanum le soir du jour de naissance de miss Verinder ?

— Je suis trop ignorant des effets de l’opium pour avoir