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sieur ; par conséquent, moins de mensonges vous exigerez de moi, plus je vous en resterai reconnaissant, lorsque sera venue l’heure suprême où ma conscience m’assiégera d’inquiétudes. »

Il n’y avait pas un moment à donner aux délicatesses toutes spéculatives de la conscience de Betteredge ; M. Blake pouvait d’un instant à l’autre nous surprendre en se mettant à ma recherche, si je ne me hâtais d’aller le retrouver dans sa chambre. Je sors donc et miss Verinder me suit jusqu’au corridor.

« Il semble y avoir une persécution organisée pour vous tourmenter, dit-elle ; qu’est-ce que cela veut dire ?

— C’est seulement dans un cadre très-restreint, l’opposition éternelle du monde, miss Verinder, à tout ce qui est nouveau.

— Que ferons-nous de Mrs Merridew ?

— Dites-lui que l’explosion n’aura lieu que demain matin à neuf heures.

— De façon à l’envoyer se coucher ?

— Oui, justement ! »

Miss Verinder retourne au petit salon, et moi, je monte chez M. Blake.

Je suis surpris de le trouver seul, en train d’arpenter machinalement sa chambre, et assez mécontent d’avoir été ainsi laissé à lui-même.

« Où est M. Bruff ? » demandé-je.

Il me montre la porte qui fait communiquer entre elles les deux chambres. M. Bruff était venu le voir pendant un instant, avait tenté de renouveler ses remontrances sur l’absurdité de notre tentative, et, voyant qu’il perdait son temps auprès de M. Blake, il s’était réfugié derrière un sac de cuir noir, rempli de papiers d’affaires. Il admettait bien que les occupations sérieuses de la vie étaient ici singulièrement hors de leur place ; mais les affaires n’en étaient pas moins les affaires et devaient se poursuivre malgré tout. M. Blake aurait l’obligeance de faire la part des anciennes habitudes d’un homme âgé. Le temps est de l’argent, et quant à M. Jennings, il pouvait compter que M. Bruff serait tout à sa disposition lorsque le moment serait venu. »

L’avoué, après ces excuses, était rentré dans sa chambre,