Page:Collins - La Pierre de lune, 1898, tome 2.djvu/254

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acquis une grande réputation d’orateur dans les réunions philanthropiques, et qui possédait des talents administratifs dont il faisait profiter diverses associations de bienfaisance, spécialement les œuvres fondées par des dames charitables. L’envers de cette existence, qu’on dissimulait avec soin, nous montrait le même gentleman sous un aspect tout différent, l’aspect d’un homme de plaisir. Il avait dans la banlieue une villa qui n’était pas achetée à son nom, et où vivait une dame qui ne portait pas non plus le nom de M. Ablewhite.

En faisant des investigations dans la villa, j’y découvris plusieurs tableaux de maîtres, des statues, un ameublement du meilleur goût, une serre remplie de fleurs rares et qui n’avait peut-être pas sa pareille dans tout Londres. Mes recherches relativement à la dame m’apprirent qu’elle possédait des bijoux dignes des fleurs de la serre ; elle avait aussi des voitures et des chevaux qui ont obtenu un succès mérité au Parc parmi les connaisseurs les plus à même d’apprécier l’élégance d’un carrosse et la beauté d’un attelage.

Rien d’extraordinaire jusqu’ici. La villa et la dame sont passées dans les mœurs à Londres, et je devrais m’excuser de vous les faire même remarquer. Mais ce qui, à ma connaissance, n’est pas tout à fait aussi habituel, c’est que non-seulement toutes ces belles choses existaient, mais encore qu’elles étaient payées ! Les tableaux, les statues, les fleurs, les diamants, les chevaux et les voitures n’entraînaient pas, à mon infinie surprise, un centime de dettes avec eux. Quant à la villa, elle avait été achetée et payée au nom de la belle dame.

J’aurais pu chercher longtemps la solution de cette énigme, et ne pas la trouver, sans la mort de M. Godfrey Ablewhite, qui provoqua une enquête relative à l’état de ses affaires.

L’enquête révéla les faits suivants :

M. Godfrey, comme subrogé tuteur d’un jeune gentleman, avait l’administration d’une somme de vingt mille livres appartenant à son pupille, mineur encore en 1848. Cette tutelle devait cesser le jour de la majorité du jeune homme, C’est-à-dire en février 1850.

D’ici là, ses deux tuteurs avaient à lui servir une rente de six cents livres par an, en deux termes égaux, à Noël et à