Page:Comédie humaine - Répertoire.djvu/20

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phiques des temps anciens et modernes pour se les assimiler. Il voulait, comme Molière, être un profond philosophe, avant de faire des comédies. » Certains lecteurs estiment même que la philosophie surabonde chez Balzac, que le trop-plein des hypothèses générales y déborde, et que ses romans foisonnent en digressions. Quoi qu’il en soit, il paraît indiscutable que ce fut là sa faculté maîtresse, la vertu et le vice de sa pensée. Voyons maintenant par quel détour singulier ce pouvoir de généralisation, le plus opposé, prétendrait-on, au pouvoir créateur, a augmenté en lui la faculté du visionnaire poétique.

Il importe de remarquer tout d’abord que ce pouvoir de visionnaire ne put guère s’exercer directement. Balzac n’a pas eu le temps de vivre. La liste de ses ouvrages, année par année, dressée par sa sœur, démontre que, depuis son entrée dans la renommée jusqu’à sa mort, il ne prit jamais le loisir de se reposer, de regarder autour de lui, d’étudier les hommes, ainsi que le firent Molière et Saint-Simon, par un contact quotidien et familier. Il coupait son existence en deux, écrivant la nuit, dormant le jour, n’ayant souvent pas une heure à donner aux visites, à la promenade, à l’amour. Il ne l’admettait, d’ailleurs, ce troublant amour, qu’à distance et par lettres, — « parce que cela forme le style » ! C’est en tout cas celui qu’il a le plus complaisamment pratiqué — exception soit faite pour les mystérieuses intrigues dont sa correspondance a laissé la trace. Tout jeune, ç’avait été le même système de travail forcé, en sorte que l’expérience de ce maître de la littérature exacte fut réduite à un minimum ; mais ce minimum lui suffit, précisément à cause du don philosophique qu’il possédait à un si haut degré. À ce faible nombre de données positives