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BRACONNIERS

— Donne-moi ton harpon, continuai-je, ramasse tes deux saumons, et viens-t’en avec moi.

Sans dire mot, il obéit.

Je pris mon couteau, je tranchai les attaches des pinces et du manche du harpon, et les jetai à la rivière, en gardant seulement que la pointe acérés du milieu.

Pendant ce temps-là, il avait mis les deux poissons dans un sac, qu’il avait au dos. Pour lui montrer que j’avais absolument confiance en lui, je pris les devants et il me suivit.

En arrivant au haut de la côte, ce fut un autre cas de surprise pour l’autre Indien. C’était un individu de la Baie de la Trinité, nommé Bajoue (Grosses Joues). Je m’avançai vers lui, et lui mettant la main sur l’épaule :

— Tu es mon prisonnier, lui dis-je. Descends.

Nous descendîmes la côte où, au pied, le canot était caché dans une talle d’aulnes. On le tira à l’eau, je m’assis confortablement au milieu, et je les laissai pagayer jusqu’à chez moi.

Chemin faisant, William rattrapa sa langue et me demanda.

— Qu’est-ce que tu veux faire de nous ?

Je lui répondis que je n’en savais rien encore, que je consulterais d’abord, le surintendant.

En arrivant, je pris les deux saumons et je les portai chez le chef, en lui expliquant qu’ils avaient été capturés illégalement, et que j’espérais qu’il verrait à ce que la chose ne se répétât pas.

Le lendemain, William vint me voir.

— Je suis venu pour te parler, dit-il. Je ne pensais pas que jamais tu me prendrais. À c-t’heure que c’est fait, j’m’en vas te proposer quelque chose. Si tu veux me laisser aller, je te donne ma parole que jamais plus je darderai du saumon dans la rivière.

— Très bien, lui répondis-je, je me fie à toi.