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HISTOIRES D’OURS

bas du tronc d’arbre, mais la manière dont il s’y prit pour déguerpir dans l’épaisseur du bois, est chose inoubliable. Si nous eussions été à l’époque du kodak, on n’eût pas eu chance de prendre plus piquant négatif.

Je suppose que la plupart de mes lecteurs ont entendu parler des ours qui imitent l’opossum, font le mort, au premier coup de fusil, ou lorsqu’ils ne sont que blessés. Voilà un fait auquel j’ai trouvé bien difficile d’ajouter foi, peut-être parce que je n’ai jamais donné à l’un d’eux la chance de m’en faire accroire. Cependant, il est venu à ma connaissance deux cas où, en apparence, ils agirent de cette façon. Le premier cas se passa près de Mingan : Un métis du nom de Bellefleur, s’était mis à la poursuite d’un gros ours qui avait été vu dans un champ de bluets, du côté de la Longue Pointe. Il était accompagné de son fils, garçon de quatorze ans. Après avoir cherché pendant quelque temps, ils aperçurent l’ours qui mangeait. Allant se poster à l’abri d’un petit bois, ils se trouvèrent à portée facile de l’animal. Bellefleur, père, tira son coup de fusil, et l’ours tomba. Rechargeant avec soin son fusil, il alla vers l’animal et se mit à lui tâter les flancs pour s’assurer s’il était bien mort. L’ours ne bougea pas. Le chasseur déposa son fusil, dégaina son couteau pour le saigner, et l’éventrer. Juste au moment où il lui saisissait une patte de devant, l’ours se redressa de toute sa taille. Il s’ensuivit une lutte à mort. Bellefleur cria à son fils de tirer, mais le pauvre garçon hésita craignant de tuer son père. L’homme et l’animal se prirent à bras-le-corps.

Le vieux chasseur dardait l’animal de son couteau, chaque fois qu’il en avait la chance. Finalement, Bellefleur tomba écrasé sous le poids de la brute : un coup de dent sur la tempe et près de l’œil lui ouvrit le