Page:Conan - À l’oeuvre et à l’épreuve - 1893.djvu/258

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— Je vais d’abord voir à notre dîner, dit doucement Charles Garnier.

Il tira d’un sac quelques poignées de glands, les mit dans la chaudière, les couvrit de cendres, puis remplit d’eau la chaudière et l’accrocha au-dessus du feu, à la mode indienne.

La famine sévissait cruellement dans le pays.

Depuis longtemps les deux missionnaires n’avaient pas d’autre nourriture ; mais chez le P. Garnier rien ne trahissait l’abattement.

Son compagnon l’observait sans rien dire, avec une attention étrange.

Et quand il vint s’asseoir par terre à côté de lui, au lieu de commencer la leçon :

— Dites-moi, demanda-t-il, fixant sur lui ses yeux enflammés par la fumée, est-ce que vous ne sentez pas défaillir votre cœur à la pensée que Dieu vous imposera peut être l’épreuve d’une longue vie… qu’il vous faudra vieillir parmi les sauvages ?

— Ah, répondit Charles Garnier souriant, quelle grâce de n’avoir personne autour de soi qu’on puisse aimer autrement que d’un amour surnaturel !

— Que je vous trouve heureux, continua le P. Chabanel le regardant toujours, on dirait que rien ne vous coûte… que vous ne souffrez de rien… Et pourtant, être réduit à la nourriture des animaux