Page:Conan - À l’oeuvre et à l’épreuve - 1893.djvu/93

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vint, par le travers, frapper audacieusement la grande vague régulière qui venait du midi. Ce fut un choc formidable. Les eaux bondirent si haut que le ciel en fut obscurci et une vapeur irisée d’écume légère arriva jusqu’à nous.

« J’eus une terreur folle mêlée d’un transport inexprimable et, sentant la terre trembler sous mes pieds, je saisis son bras.

« Que se passa-t-il en lui à cette heure immortelle ? à ce moment unique de surprise et de ravissement ?

« Je ne saurais dire : mais son regard rencontra le mien et une étrange pâleur lui vint aux lèvres.

« Le ciel, l’océan, tout disparut pour moi. Je ne voyais plus que l’altération de son visage.

« Je lui demandai s’il souffrait, mais il ne me répondit pas une parole.

« Une rougeur brûlante, une pâleur mortelle couvrait tour à tour ses traits, et, je ne sais quelle joie passait comme une flamme, sur son visage bouleversé.

« Sous cette pâleur ardente, il n’avait plus l’air d’un ange ; je sentis qu’il m’aimait, que toutes ses résolutions lui échappaient, qu’il allait parler.

« Gisèle, que Dieu me pardonne, commença-t-il d’une voix à peine intelligible, me regardant toujours dans un trouble terrible, je…