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(Emma S.*** à Mina Darville)


Ma chère Mina,

Non, sans doute, il n’y aurait jamais eu de feuilles sèches dans le paradis terrestre. Cela eût trop juré avec l’immortelle beauté, avec l’éternelle jeunesse. Je vous avoue que je me serais fort accommodée de ces choses-là.

Je regrette beaucoup ce beau paradis, ce jardin de volupté où l’on n’aurait jamais vu de boue ; la boue vient en droiture du péché. Mais toujours, chère amie, le vrai ciel nous reste.

Puisqu’il dépend de nous d’y aller, pourquoi seriez-vous triste ? Je vous en prie, éloignez la mélancolie. Cette friande vit de ce qu’il y a de plus exquis dans l’âme, et nous laisse toujours un peu faibles. Je l’entends de la mélancolie poétique et séduisante, non de la tristesse grave et chrétienne. Celle-ci, je vous la souhaite, car elle se change toujours en joie, et d’ailleurs, qui peut s’en défendre toujours, de cette divine tristesse ?