Page:Conan - Angéline de Montbrun, 1919.djvu/76

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tent : « Demande à la brise plaintive », ou autres bêtises langoureuses.

M. de Montbrun me traite de la manière la plus aimable, avec cet air un peu protecteur qui lui va si bien. On l’accuse de ne pas remplir tout son mérite. Mais comme je lui sais gré de n’avoir jamais été ministre ! Il fait bon de voir ce descendant d’une race illustre cultiver la terre de ses mains. Dieu veuille que cet exemple ne soit pas perdu.

Ce soir, nous parlions ensemble de l’avenir du Canada ; il était un peu triste et soucieux. Pour moi, je fis comme tout le monde : je tombai sur le gouvernement, qui fait si peu pour arrêter l’émigration, pour favoriser la colonisation. Mais ce beau zèle le laissa froid ; et, jetant un regard un peu dédaigneux sur ma toilette, il me demanda si j’avais jamais pensé à me refuser quelque chose pour aider les pauvres colons.

Ma chère Emma, je ne pouvais pas dire : « je l’ai fait », mais je lui dis : « je le ferai ». Il sourit, et ce sourire, le plus fin que j’aie vu, me choqua. J’eus envie de pleurer. Me croit-il incapable d’un sentiment élevé ? Je lui prouverai que je ne suis pas si frivole