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ÉLISABETH SETON


6 avril.

« La douce soirée de ce jour, une soirée vraiment céleste, me fait penser au temps où, si souvent appuyées l’une contre l’autre, nous suivions des yeux le soleil à son déclin ; parfois avec des larmes silencieuses et tant de soupirs vers cette patrie où la tristesse n’a point d’accès. Hélas ! je vais retrouver ma patrie sur terre ! qu’aura-t-elle à m’offrir ? une foule de chagrins. J’en parlais l’autre soir avec Antonio Filicchi ; il me dit dans son anglais un peu brusque : « Ma petite sœur, le Dieu tout-puissant sourit de vos chagrins. Il prend soin des petits oiseaux, il fait croître les lis des champs, et vous craignez qu’il ne vous oublie ! Je vous dis qu’il prendra soin de vous. » Je l’espère aussi, très chère Rébecca… Vous souvenez-vous que nous avions coutume d’envier les pauvres, parce qu’eux n’ont rien à faire avec le monde ? »


8 avril.

« Cette heure est la dernière que je passerai à Livourne. Oh ! pensez combien ce cœur tremble ! Les étoiles étaient encore toutes brillantes au ciel, quand Mme Filicchi est venue me dire que nous allions entendre la messe ; et puis qu’elle se séparerait de son Antonio. Oh, l’admirable femme ! Comme nous entrions dans l’église, le canon du Fiammingo donna le signal ; nous devions être à bord dans deux heures. Quelques instants après, nous étions tous prosternés en la présence de Dieu.

« Mon amie, que l’offrande de ce sacrifice fut solennelle ! je demandai bénédiction pour notre voyage, pour mes enfants chéris ; pour mes sœurs, pour tout ce qui m’est cher ; plus encore pour l’âme de mon cher mari et pour l’âme de mon père. Nos ferventes prières s’élevaient vers Dieu, s’unissant à l’auguste sacrifice afin d’être favorablement reçues par les mérites de Celui qui s’est donné lui--