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L'OBSCURE SOUFFRANCE


16 octobre.



La soirée d’hier m’a laissé un bon souvenir. Comme je lisais à mon père les débats de la chambre, il sortit tout-à-coup de son apathie et dit amèrement : « Il n’y a plus d’esprit national,… rien que de l’esprit de parti,… rien que l’intérêt personnel. »

La lecture finie, il arpenta la salle ; puis se rapprochant, il me dit en rougissant un peu : « Je suis ce que je suis, mais, crois-moi, j’aime encore mon pays. »

Je fus surprise, je fus émue et, lui sautant au cou, je l’embrassai. Tous ses traits frémirent et il sortit, peut-être pour me cacher ses larmes. Il revint bientôt, s’assit près de moi et me parla des jours d’autrefois, de nos anciens députés qui ne recevaient pas d’indemnité et se passaient les statuts qu’ils avaient copiés pour se renseigner sur les us et coutumes parlementaires.

Ces faits m’étaient connus. Quelques semaines avant sa mort, ma mère me donna le statut transcrit par son grand-père Prosper Lausanne. Alors, ce gros cahier ne me disait pas grand’chose. Maintenant c’est pour moi une précieuse relique.