Page:Conan - Physionomies de saints, 1913.djvu/125

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
129
SAINT CAMILLE DE LELLIS

la jambe, suite d’une égratignure négligée, l’obligea de quitter le service.

L’hôpital des Incurables de saint Jacques, à Rome, était alors desservi par les meilleurs chirurgiens. Dans l’espoir de faire guérir plus vite sa jambe, le jeune Napolitain s’y rendit, et sa fierté et son dénuement lui firent demander une place d’infirmier.

Le néant des choses humaines lui apparaissait souvent dans une vive lumière, il aurait voulu se faire capucin.

Mais, malgré les graves pensées qui le travaillaient, malgré les pertes énormes qu’il avait faites au jeu, la vue des cartes et des dés exerçait encore sur lui une fascination irrésistible.

Le futur fondateur des Frères du bien mourir abandonnait le service des malades pour aller jouer. Aussi on ne tarda pas à le renvoyer, non seulement comme joueur, mais encore comme fantasque, emporté et cherchant querelle, sur le moindre prétexte, aux employés de la maison.

Tels furent les débuts du saint dans une carrière où il devait aller jusqu’au bout des forces humaines dans l’abnégation et la charité.

Réduit par ses folies à gagner misérablement sa vie et tourmenté à certaines heures du désir de la perfection, Camille de Lellis fut tour à tour novice franciscain, aide-maçon, infirmier par nécessité et soldat. L’extrême misère et ses essais de vie religieuse ne l’avaient point guéri de son amour du jeu et, à Naples, on le vit, emporté par sa passion, jouer jusqu’à sa chemise — qu’il perdit.

L’infortuné jeune homme semblait condamné à finir ses jours dans quelque misérable querelle. Mais, malgré son naturel emporté, malgré tous ses excès, ce joueur frénétique et malheureux n’avait jamais souillé ses lèvres d’un blasphème. Ce fut là sans doute, dit l’un de ses biographes, ce qui lui fit trouver grâce devant Dieu.

Un jour qu’il cheminait à pied, seul et sans ressource, l’injure faite par ses péchés à la Majesté divine