Page:Conan - Physionomies de saints, 1913.djvu/135

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
139
LA COURONNE DE LARMES

prime point ces attendrissements, ces douleurs, ces adorations qui ébranlent l’âme jusqu’en ses abîmes.

En apprenant à quel prix, avec quel amour elle avait été rachetée, la fille du calife ne se récria pas, ne s’exclama pas, elle pleura.

Et de ses beaux yeux les larmes continuèrent de couler pressées, incessantes, inépuisables. Le monde entier disparut pour elle ; elle n’eut plus un regard pour les fleurs, pour ces grâces de la terre qui l’avaient mise en communication avec l’éternelle et invisible Beauté. Son âme tout entière s’attacha aux plaies du Christ et elle pleura.

Un jour en entrant dans sa cellule, on la trouva inanimée aux pieds de son crucifix.

« L’amour m’a fendu le cœur et mon corps est tombé à terre, chantait, dit-on, François d’Assise. Une fois l’amour m’a unie à St. François lui-même. Maintenant mon cœur est devenu capable des consolations du Christ.

« Ô doux Jésus, embrasez-moi et donnez-moi la mort… L’amour m’a mis dans la fournaise, il m’a mis dans la fournaise d’amour ».

— Je vais mourir dit la fille du calife.

Un sourire d’extase entr’ouvrait ses lèvres, mais sur ses joues, d’une pâleur de neige, les larmes continuaient de couler silencieusement.

On jeta de blanches draperies sur le lit de sangle et on y déposa la fleur d’Orient.

C’était le soir, l’un de ces soirs de printemps italien au long crépuscule doré. Autour du lit, éclairé seulement par les douces lueurs du ciel, la famille franciscaine se réunit.

Le moine qui avait baptisé Fatime lui apporta le viatique.

« — Ma fille, lui dit-il, vous que l’amour a tant blessée, réjouissez-vous. Celui qui vous a attirée à l’odeur de ses parfums, le Sultan des fleurs, qui a reçu votre foi et qui vous a donné la sienne vient vous introduire dans les jardins célestes.

Le visage de la mourante s’illumina d’une joie di-