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PHYSIONOMIES DE SAINTS

quiète pas de voir dépouiller les pauvres. Il se laisse corrompre par les hommes, quelquefois, pour de l’argent, il méconnaît les droits des pauvres, il donne raison à qui n’a pas raison ».

La magnifique et sévère remontrance se termine par ces mots : « Vous n’êtes pas des ministres intègres de la sainte justice, c’est pourquoi Dieu a permis et permet encore que nous soyons éprouvés par des châtiments et des fléaux tels qu’on n’en vit pas, je crois, depuis l’origine du monde ».

Dans cette sanglante Italie du xive siècle, il fait bon entendre cette fière parole des saints, cette parole qui ose dire la vérité à ceux qui font tout trembler.

Alors régnait à Milan, Barnabo Visconti, tyran athée et cruel, que ses talents militaires avaient rendu puissant.

Excommunié pour ses forfaits, Barnabo Visconti avait été rencontrer, sur le pont de Lambri, le légat porteur de la bulle d’excommunication et, rendant la lettre pontificale au légat : « Abbé, dit-il, avale cela ou je te fais jeter en bas du pont ».

L’évêque avala le parchemin.

Le seigneur de Milan faisait nourrir ses cinq mille chiens de chasse dans les monastères ; quand il ne trouvait pas ses chiens en bon état, ceux qui en avaient le soin étaient, par ses ordres, cruellement fouettés.

Deux religieux osèrent lui reprocher ses crimes, il les fit brûler vifs.

Se voyant menacé par une ligue puissante, formée contre lui par le pape, Barnabo Visconti, voulut se concilier les bonnes grâces de la Beata Papolana, si grand était son prestige.

Mais à cet orgueilleux tyran qui ne craignait pas de dire : « Je suis pape, empereur et roi dans mon territoire ; Dieu lui-même n’y pourrait pas faire ce que je ne voudrais pas », la sainte écrivit :

« Le maître du monde entier doit reconnaître son néant, car il est sujet à la mort, comme la plus vile créature. Les folles jouissances du monde passent pour lui comme pour les autres, et il ne peut empêcher