Page:Conan - Physionomies de saints, 1913.djvu/85

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Fort épris de sa nouvelle épouse, le prince, d’abord, ne sembla vivre que pour lui plaire. Mais jamais Suève n’usa de son crédit que pour le bien. Sous les grâces de sa vive jeunesse, elle cachait les qualités les plus solides et elle fut une vraie mère pour les enfants de son mari.

Il lui avait donné toute sa confiance et lorsqu’il dut partir en guerre pour répondre à l’appel de son frère François, duc de Milan, c’est entre les mains de sa jeune femme qu’il remit les rênes du gouvernement.

Suève ne recula pas devant ces graves devoirs, et la guerre qui se prolongea fit bénir la douceur et la sagesse de son administration.

La guerre finie, Alexandre Sforza revint à Pésaro.

Heureuse d’être délivrée de ses inquiétudes, la princesse l’attendait impatiemment, toute fière de lui prouver que rien n’avait souffert dans ses états en son absence.

Mais une femme du peuple avait enlevé à Suève le cœur de son mari, et sa pure et noble tendresse ne lui était plus rien.

Il se contenta d’abord de le lui faire durement sentir. Puis, il installa sa maîtresse dans son palais, défendit de rendre à sa femme légitime les honneurs dûs à son rang, et fit traiter l’objet de sa passion en souveraine.

Avec la douceur d’un ange, la princesse essaya de ramener son mari. Elle était plus sensible à l’injure faite à Dieu qu’à la sienne propre. Mais sa grandeur d’âme ne fit qu’exaspérer Sforza. Il multiplia les avanies, les outrages, les mauvais traitements. Trois fois il tenta d’empoisonner sa femme ; une fois, il la prit à la gorge, et voulut l’étrangler.

Suève croyait que la charité l’obligeait plus étroitement envers son mari qu’envers tout autre.

Elle chercha la patience dans la prière et offrit son martyre pour obtenir la conversion de son bourreau.

Mais loin de s’améliorer, Alexandre Sforza en vint à ne plus pouvoir supporter la vue de sa femme. Un jour, après l’avoir accablée de coups, il la saisit par les