Aller au contenu

Page:Condillac - Essai sur l’origine des connaissances humaines, Mortier, 1746, tome 1.djvu/62

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

pas conscience. Je me fondois sur cette expérience qui paroît assez simple ; que nous fermons des milliers de fois les yeux, sans que nous paroissions prendre connoissance que nous sommes dans les ténèbres. Mais, en faisant d’autres expériences, je découvris mon erreur. Certaines perceptions que je n’avois pas oubliées, & qui supposoient nécessairement que j’en avois eu d’autres dont je ne me souvenois plus un instant après les avoir eues, me firent changer de sentiment. Entre plusieurs expériences qu’on peut faire, en voici une qui est sensible.

Qu’on réfléchisse sur soi-même au sortir d’une lecture, il semblera qu’on n’a eu conscience que des idées qu’elle a fait naître. Il ne paroîtra pas qu’on en ait eu davantage de la perception de chaque lettre, que de celle des ténèbres, à chaque fois qu’on baissoit involontairement la paupière. Mais on ne se laissera pas tromper par cette apparence, si l’on fait réflexion que, sans la conscience de la perception des lettres, on n’en auroit point