Page:Condillac - La Logique, 1789.pdf/10

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Cependant un heureux instinct, qu’on nommoit talent, c’est-à-dire, une manière de voir plus sûre & mieux ſentie, guidoit à leur inſçu les meilleurs eſprits. Leurs écrits devenoient des modèles ; & on chercha dans ces écrits par quel artifice, inconnu même à eux, ils produiſoient le plaiſir & la lumière. Plus ils étonnoient, plus on imagina qu’ils avoient des moyens extraordinaires ; & l’on chercha ces moyens extraordinaires quand on auroit dû n’en chercher que de ſimples. On crut donc bientôt avoir deviné les hommes de génie. Mais on ne les devine pas facilement : leur ſecret eſt d’autant mieux gardé, qu’il n’eſt pas toujours en leur pouvoir de le révéler.

On a donc cherché les loix de l’art de penſer où elles n’étoient pas ; & c’eſt là vraiſemblablement que nous les chercherions nous-mêmes, ſi nous avions à commencer cette recherche. Mais en les cherchant où elles ne ſont pas, on nous a montré où elles ſont ; & nous pouvons nous flatter de les trouver, ſi nous ſçavons mieux obſerver qu’on n’a fait.

Or, comme l’art de mouvoir de grandes maſſes a ſes loix dans les facultés du corps, &