Page:Condillac - Le Commerce et le gouvernement considérés relativement l’un à l’autre, 1776.djvu/29

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que la valeur de dix, si on appréciait bien la disette, et si on voyoit avec certitude qu’elle n’est réellement que d’un dixième.

C’est ce qu’on ne fait pas. Comme on se flatte dans l’abondance, on craint dans la disette. Au lieu d’un dixième qui manque, on juge qu’il en manque deux, trois, ou davantage. On se croit au moment où le blé manquera tout-à-fait, et la disette d’un dixième produira la même terreur que si elle étoit d’un tiers ou de la moitié.

Dès qu’une fois l’opinion a exagéré la disette, il est naturel que ceux qui ont du blé songent à le conserver pour eux ; dans la crainte d’en manquer, ils en mettront en réserve plus qu’il ne leur en faut. Il arrivera donc que la disette sera réellement du tout, ou à-peu-près, pour une partie de la peuplade. Dans cet état des choses, il est évident que la valeur du blé croîtra à proportion que l’opinion exagérera la disette.