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ENTRE VOLTAIRE ET CONDORCET.


ces prophètes ne connaissaient pas. Vous tirez aurun ex stercore. Ennii. Bernard de Fontenelle en tirait quelquefois du clinquant. Vous nourrissez et vous embellissez la sécheresse du sujet par une morale noble et profonde qui doit faire une grande impression, qui ne corrigera ni Fréron, ni Clément, ni Sabatier, mais qui enchantera tous les honnêtes gens.

Ce qui m’étonne, c’est que Fontaine aimât Racine. C’est le plus bel éloge qu’on ait jamais donné à ce grand poète. J’ai connu dans mon enfance un chimiste nommé La Ligerie ; c’est de lui que nous vient la poudre des chartreux. On le mena un jour à Phèdre ; il se mit à rire à la première scène, et il s’en alla à la seconde. L’aventure de Fontaine et de son avocat me paraît beaucoup plus plaisante. Si vous avez besoin de votre copie, Monsieur, je vous la renverrai en vous demandant la permission d’en faire une pour moi qui ne sortira pas de mes mains.

Je ne sais si vous avez fait de nouvelles découvertes en mathématiques ; j’ignore même si on peut en faire de grandes ; mais il me semble que vous en faites dans le cœur humain, ce qui me paraît tout aussi difficile.

Le mauvais plaisant de Grenoble, qui s’était un peu égayé sur les comètes [1], est bien obligé au grand philosophe, quel qu’il soit, d’avoir daigné prendra le parti de ses oreilles contre d’autres oreilles. Con-

  1. Voltaire lui-même, Lettre sur la prétendue comète ; voyez tome XLVII de ses œuvres. Une lecture de Lalande, à l’Académie des sciences, avait été l’occasion des bruits dont Voltaire se moque dans cet écrit.