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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 12.djvu/660

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que toutes les classes de la société.

conserver, et même d’augmenter sa propriété, surtout s’il a plusieurs enfants. Mais si l’aisance n’accompagne pas l’industrie laborieuse, cette industrie diminue, et avec elle les jouissances du riche. Mais si l’ordre vicieux de la société condamne une classe nombreuse à la misère, alors, ou la propriété est menacée, ou le riche est obligé de nourrir le pauvre ; ce qui est beaucoup plus cher que de l’empêcher de le devenir. Calculez ce que la taxe des pauvres, en Angleterre, a coûté pour fournir à leur consommation, et voyez quelle énorme différence dans ces effets, si les mêmes capitaux avaient été employés pour l’industrie.

Il est, sans doute, de mon intérêt que, si j’ai besoin d’un travail, je le paye meilleur marché : mais est-il de mon intérêt que les salaires soient bas dans le pays que j’habite ? Non. Dans le premier cas, le salaire commun d’un tel travail étant, par exemple, 10 livres, c’est-à-dire, entre 9 et 11 livres, il est de mon intérêt d’être du nombre de ceux qui ne le payent que 9 livres. Mais il n’en serait pas que le prix commun de ce travail tombât à 6 livres, par le défaut de concurrence et la diminution de l’industrie.

Il est absurde de prétendre que c’est un grand bonheur de ne rien avoir, pourvu qu’on ait à côté de soi un homme qui ait beaucoup ; mais il est vrai que, sans l’espérance et la possibilité d’augmenter sa fortune, sans l’assurance de pouvoir l’employer librement, toute activité cesserait : on détruirait donc, pour celui qui a très-peu, une ressource très-impor-