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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 12.djvu/92

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discours

où la population est nombreuse, où l’industrie a fait assez de progrès pour que, non-seulement chaque art, mais presque chaque partie des différents arts soit la profession exclusive d’un individu, il est impossible que le produit net des terres, ou le revenu des capitaux, suffise à la nourriture et à l’entretien de la presque totalité des citoyens, et que le salaire de leurs soins et de leur travail ne soit pour eux qu’une sorte de superflu. Il est donc inévitable qu’un grand nombre d’hommes n’aient que des ressources, non-seulement viagères, mais même bornées au temps pendant lequel ils sont capables de travail ; et cette nécessité entraîne celle de faire des épargnes, soit pour leur famille, s’ils meurent dans la jeunesse, soit pour eux-mêmes, s’ils atteignent à un âge avancé.

Toute grande société riche renfermera donc un grand nombre de pauvres ; elle sera donc malheureuse et corrompue, s’il n’existe pas des moyens de placer avantageusement les petites épargnes, et presque les épargnes journalières.

Si, au contraire, ces moyens peuvent devenir presque généraux, les nécessiteux seront en petit nombre ; la bienfaisance n’étant plus qu’un plaisir, la pauvreté cessera d’être humiliante et corruptrice ; et, si on a une constitution bien combinée, de sages lois, une administration raisonnable, on pourra voir enfin sur cette terre, livrée si longtemps à l’inégalité et à la misère, une société qui aura pour but et pour effet, le bonheur de la pluralité de ses membres.

En même temps que ces établissements offriraient des secours et des ressources à la partie pauvre de la