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VIE DE VOLTAIRE.


(qui sans doute va bientôt remplacer l’ancienne) n’expose l’innocence à aucun danger.

On revit le procès de la femme Montbailli ; le conseil d’Artois, qui l’avait condamnée, la déclara innocente ; et plus noble ou moins orgueilleux que le parlement de Toulouse, il pleura sur le malheur irréparable d’avoir fait périr un innocent ; il s’imposa lui-même le devoir d’assurer des jours paisibles à l’infortunée dont il avait détruit le bonheur [1].

Si Voltaire n’avait montré son zèle que contre des injustices liées à des événements publics, ou à la cause de la tolérance, on eût pu l’accuser de vanité ; mais ce zèle fut le même pour cette cause obscure à laquelle son nom seul a donné de l’éclat.

C’est ainsi qu’on a vu depuis un magistrat [2], enlevé trop tôt à ses amis et aux malheureux, intéresser l’Europe à la cause de trois paysans de Champagne, et obtenir, par son éloquence et par la persécution, une gloire brillante et durable pour prix d’un zèle que le sentiment de l’humanité, l’amour de la justice avaient seuls inspiré. Les hommes incapables de ces actions ne manquent jamais de les attribuer au désir de la renommée ; ils ignorent quelles angoisses le spectacle d’une injustice fait éprouver à une âme fière et sensible, à quel point il tourmente la mémoire et la pensée, combien il fait sentir le besoin impérieux de prévenir ou de réparer le crime ; ils

  1. Voyez la Méprise d’Arras, 1771 : Politique et Législation, t. II, p. 355 et suiv.
  2. M. Dupaty.