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VIE DE VOLTAIRE.

venir le théâtre d’une guerre éternelle entre les employés du fisc et les habitants, sans payer des frais de perception plus onéreux que la valeur même des impositions. Le peu d’importance de cette opération aurait dû la rendre facile. Cependant elle était depuis longtemps inutilement sollicitée par M. de Voltaire.

Une partie des provinces de la France ont échappé, par différentes causes, au joug de la ferme générale, ou ne l’ont porté qu’à moitié ; mais les fermiers ont souvent avancé leurs limites, enveloppé dans leurs chaînes des cantons isolés, que des privilèges féodaux avaient longtemps défendus. Ils croyaient que leur dieu Terme, comme celui des Romains, ne devait reculer jamais, et que son premier pas en arrière serait le présage de la destruction de l’empire. Leur opposition ne pouvait balancer, auprès de M. Turgot, une opération juste et bienfaisante, qui, sans nuire au fisc, soulageait les citoyens, épargnait des injustices et des crimes, rappelait, dans un canton dévasté, la prospérité et la paix.

Le pays de Gex fut donc affranchi, moyennant une contribution de trente mille livres ; et Voltaire put écrire à ses amis, en parodiant un vers de Mithridate :

Et mes derniers regards ont vu fuir les commis.

Les édits de 1776 auraient augmenté le respect de Voltaire pour M. Turgot, si, d’avance, il n’avait pas senti son âme et connu son génie. Ce grand homme d’État avait vu que, placé à la tête des finances dans un moment où, gêné par la masse de la dette, par les