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VIE DE M. TLRGOT.

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voir le prendre pour guide dans son opinion. Aucune des conclusions de son rapport ne fut admise ; la pluralité préféra une loi positive qui paraissait claire, à un droit plus sacré, mais dont les hommes qui ont peu réfléchi peuvent regarder les principes comme trop vagues, ou les décisions comme incertaines. Quelques jours après, les parties transigèrent volontairement d’après ces nïémes conclusions, et rendirent hommage à cette justice d’un ordre supérieur.

Pendant que M. Turgot était maître des requêtes, il y eut une chamhre royale, et il y siégea. S’il eût cru que sa conscience l’obligeait de refuser, il eût obéi à sa conscience. Pouvait-il même ignorer que cette résolution ne demandait pas un grand courage ? En effet, il ne s’agissait pas de véritables troubles dans l’État, mais de cabales qui partageaient la cour, et de cette queielle des billets de confession, dont l’importance devait être momentanée et le lidicule éternel. Il savait que le parti alors accablé pouvait, sous un autre ministère, devenir le parti dominant. En suivant la route ordinaire, à peine était-il aperçu ; en s’en écartant, il s’assurait l’appui d’un parti et la faveur populaire. C’était une de ces circonstances plus communes qu’on n’imagine, où la conduite la plus dangereuse est en même temps la plus sûre, où l’on suit ses véritables intérêts, en ayant l’air de se sacrifier à son devoir. Mais cette ambition raffinée était aussi éloignée de lui qu’une complaisance servile ; et il accepta comme il eût refusé, en préférant la conduite que sa raison regardait comme la plus juste.

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