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Vie de M. turgot.



Il montre, dans le premier article, que la science des étymologies, devenue presque ridicule par l’abus qu’on en a fait, peut, si l’on s’asservit aux règles d’une saine critique, cesser d’être arbitraire et incertaine ; qu’alors elle sert à nous éclairer sur les révolutions du langage, révolutions qui sont liées avec l’histoire des opinions et celle des progrès de l’esprit humain ; et il fait voir que l’érudition peut n’être pas une étude frivole, même aux yeux d’un philosophe qui n’aime que la vérité, et, parmi les vérités, celles qui sont utiles.

Dans l’article Existence, il cherche, par une analyse profonde, comment nous en avons acquis l’idée, et quel est le véritable sens que nous attachons à ce mot ; et il trouve que l’existence est pour nous l’idée de la permanence de certaines collections de sensations, qui, dans des circonstances semblables, reparaissent constamment les mêmes, ou avec des changements assujettis à certaines lois. Quand nous disons qu’un objet existe, nous entendons seulement qu’un système de sensations simultanées ayant été aperçu par nous pendant une certaine durée, ayant disparu plus d’une fois, et s’étant représenté encore, nous sommes portés, même lorsque ce système de sensations cesse de s’offrir à nous, à regarder ce même système comme devant se présenter de nouveau de la même manière, si nous nous retrouvions dans les mêmes circonstances : et nous disons alors que cet objet existe.

Cette théorie, si neuve, qu’à peine fut-elle entendue de quelques philosophes, avait des conséquences