Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/193

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pas indépendant du reste de la constitution, n’est cependant proportionné ni à la santé, ni à la vigueur, soit du corps, soit des sens. Ainsi, l’intensité de nos facultés est attachée, au moins en partie, à la perfection des organes intellectuels, et il est naturel de croire que cette perfection n’est pas indépendante de l’état où ils se trouvent dans les personnes qui nous transmettent l’existence.

On ne doit point regarder comme un obstacle à ce perfectionnement indéfini, la masse immense des vérités accumulées par une longue suite de siècles. Les méthodes de les réduire à des vérités générales, de les ordonner suivant un système simple, d’en abréger l’expres-sion par les formules plus précises, sont aussi susceptibles des mêmes progrès ; et plus l’esprit humain aura découvert de vérités, plus il de-viendra capable de les retenir et de les combiner en plus grand nombre.

Si ce perfectionnement indéfini de notre espèce est, comme je le crois, une loi générale de la nature, l’homme ne doit plus se regarder comme un être borné à une existence passagère et isolée, destiné à s’évanouir après une alternative de bonheur et de malheur pour lui-même, de bien et de mal pour ceux que le hasard a placés près de lui ; il devient une partie active du grand tout et le coopérateur d’un ouvrage éternel. Dans une existence d’un moment sur un point de l’es-pace, il peut, par ses travaux, embrasser tous les lieux, se lier à tous les siècles, et agir encore longtemps après que sa mémoire a disparu de la terre.