Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 7.djvu/203

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professions, ou on livrerait les hommes à l’autorité de l’ignorance, toujours injuste et cruelle, toujours soumise à la volonté corrompue de quelque tyran hypocrite ; on ne pourrait maintenir ce fantôme imposteur d’égalité qu’en sacrifiant la propriété, la liberté, la sûreté, aux caprices des féroces agitateurs d’une multitude égarée et stupide.

3o Pour diminuer, par une instruction générale, la vanité et l’ambition.

Dans une société nombreuse, c’est un grand mal que cette avidité turbulente avec laquelle ceux qui n’emploient pas tout leur temps, soit à travailler pour leur subsistance, soit à s’enrichir, poursuivent les places qui donnent du pouvoir ou qui flattent la vanité. À peine un homme a-t-il pu acquérir quelques demi-connaissances, que déjà il veut gouverner sa ville, ou qu’il prétend l’éclairer. On regarde comme une vie inutile et presque honteuse, celle d’un citoyen qui, occupé du soin de ses affaires, reste tranquillement dans le sein de sa famille à préparer le bonheur de ses enfants, à cultiver l’amitié, à exercer la bienfaisance, à fortifier sa raison par de nouvelles connaissances et son âme par de nouvelles vertus. Cependant, il est difficile d’espérer qu’une nation puisse jouir d’une liberté paisible, et perfectionner ses institutions et ses lois, si l’on ne voit s’y multiplier cette classe d’hommes, dont l’impartialité, le désintéressement et les lumières doivent finir par diriger l’opinion : eux seuls peuvent opposer une